2024-01-23 — 2024-12-13
a première vision de l’Inde, c’est… disons, du smog. Depuis l’avion, l’épaisse couche de pollution rend la surface à peine visible. J’atterris à Mumbai avant un dernier vol. J’ai l’impression d’être coincé dans une sorte de vide indéfinissable où le temps n’existe pas (en gros, je suis crevé). Le long de l’aéroport, des bidonvilles.
Pendant tout ce temps, je me demande ce que je fous là – pourquoi être venu ici ? – mais c’est trop tard. Épuisé, je repasse la sécurité, me frayant un chemin comme je peux, et j’embarque pour mon dernier vol vers Goa.
Il me reste encore à rejoindre Agonda, où se trouve mon logement. Seule option : le taxi. J’en choisis un au hasard à l’aéroport, sans trop savoir si les prix sont corrects ou non. Rien que ça prend un peu de temps – comme beaucoup de choses en Inde, comme j’allais le découvrir.
Le trajet dure une heure et demie, plus que prévu. Les routes sont bondées et pas toujours en bon état ici, ce qui signifie que la conduite prend environ trois fois plus de temps qu’en Europe. Ce voyage est l’un des plus flippants que j’aie jamais faits. Comme si la fatigue et le choc culturel ne suffisaient pas, mon chauffeur a l’air vraiment très pressé.
Il zigzague pour doubler, sans se soucier du marquage au sol ou de la notion de distance de sécurité. Tout le monde klaxonne quasiment non-stop, apparemment pour signaler sa présence. C’est nécessaire parce que personne n’utilise vraiment ses rétros, et à cause de la folie ambiante sur la route.
J’avais déjà goûté aux routes un peu chaotiques de Thaïlande. Ce n’est rien comparé à l’Inde. Pendant ce trajet en taxi, j’ai dû avoir une quinzaine de ces moments « oh merde », où j’ai cru que quelqu’un allait finir salement amoché.
Mais j’arrive à destination sans que personne n’ait été blessé en chemin, et c’est un soulagement. Pour les quatre prochaines nuits, je dors dans un minuscule bungalow. Ce n’est pas franchement propre, mais ça passe. Après un repas sur la plage, me sentant complètement paumé et déconnecté, je dois attendre le petit matin avant de trouver le sommeil.
Je n’ai rien prévu pour ces trois jours : juste me reposer, m’habituer à l’ambiance et me remettre du décalage horaire. Je croyais savoir à quoi m’attendre de l’Inde, j’avais vu des photos et des vidéos. Mais c’est très différent de le vivre soi-même.
Voilà la première chose que je vois en sortant dans la rue :
L’air est chaud et humide. Les gens vont et viennent, surtout en scooter. Quelques vaches et chiens errent en liberté. Je sens des odeurs indéfinissables. Les déchets sont omniprésents, même s’il n’y en a pas tant que ça ici.
Même dans un endroit calme et touristique comme celui-ci, le contraste entre misère et richesse est frappant. Quelque part, ça me met mal à l’aise d’être là. Comment puis-je simplement être ici alors que des gens vivent comme ça ?
La plage est assez belle et longue, et étonnamment propre. (Je remarquerai plus tard que, le soir, des femmes avec des paniers sur la tête longent le rivage et ramassent les déchets.)
Pendant une balade, un jeune Indien engage la conversation. Il vit à Delhi, mais grâce à son travail à distance, il prend une semaine de pause ici. Il me dit que je devrais visiter le nord, et que je devrais essayer de négocier pour la plupart des choses.
Le « bon côté » de la pollution, c’est que je peux sortir sans crème solaire. Regardez le soleil se coucher dans le smog…
Eh oui. Agonda est un endroit plutôt paisible et accueillant pour les touristes, pour l’Inde. Je prends un taxi (en négociant autant que possible) pour rejoindre la petite ville (comprendre : 100 000 habitants) de Margao. Mon plan est de prendre le train le lendemain pour visiter Hampi, où se trouvent les ruines d’une cité du XVIe siècle.
Point positif : mon chauffeur est beaucoup plus prudent que le précédent. Par contre, j’ai mon premier aperçu d’une ville indienne. Pour passer la nuit, j’ai choisi le Coastal Pearl Hotel, près de la gare. L’hôtel est noté 4.6 sur Google Maps et coûte environ 30 € la nuit (pas donné).
Mais je me retrouve dans une chambre sale, avec des taches d’humidité et des fissures sur les murs. La bouilloire est dégoûtante et le canapé est collant et repoussant… mais bon, les draps sont propres et la clim fonctionne. Deux choses que je vais apprendre sur l’Inde :
Mais tout va bien, le lit est confortable et le WiFi marche. Suite du programme : aller au centre-ville pour trouver une carte SIM (que je n’ai pas réussi à obtenir jusqu’ici) et faire un tour. Marcher dans la rue principale est… tout sauf monotone. Il n’y a pas de trottoir, juste beaucoup de circulation et beaucoup de gaz d’échappement. Les gens ne marchent que s’ils y sont obligés, tout le monde préfère prendre une voiture ou un scooter (ce qui se comprend). Des déchets partout, des bâtiments qui n’inspirent pas confiance…
À la boutique de télécom, on me demande mon passeport, mon visa et deux numéros de contacts indiens pour avoir une carte SIM. Je n’ai évidemment pas ça sur moi… À ce stade, mon idée de faire un tour en ville me semble moins bonne, alors je rentre à l’hôtel. Difficile de décrire précisément ce que je ressens alors. Un profond malaise face aux conditions de vie, mêlé au stress du chaos indescriptible dehors.
Le soir, je vais dans un restaurant à 500m. Ce n’est pas loin du tout, mais suffisant pour voir beaucoup de choses. Voici une scène typique : des animaux (généralement des chiens ou des vaches) errant sur un sol entièrement couvert de déchets, cherchant de la nourriture.
J’arrive sur l’avenue qui longe la gare. Là, de simples étals, tenus par des gens qui ne possèdent probablement pas le centième de ce que j’ai. Je vois des gens maigres, certains usés par les conditions difficiles, d’autres dormant à même le sol. Au bord de ce flot continu de véhicules, la chaleur et la pollution sont étouffantes.
Après ce qui m’a semblé plus de cinq minutes, voilà le restaurant, avec sa devanture médiocre et ses guirlandes clignotantes. J’entre. Le contraste est saisissant : la clim, le calme, les hommes bien habillés à la réception, les tables dressées et bien rangées… Chaque fois, entrer ou sortir d’un bâtiment donne l’impression de pénétrer dans un autre univers.
Assis à table, je reste un moment le regard dans le vide, essayant de digérer ce flot de stimuli.
Je commande la spécialité du restaurant, qui s’avère très similaire à ce que j’ai déjà mangé ces derniers jours. Je commence à saturer de la nourriture grasse. Le serveur me ressert occasionnellement quelques cuillerées du plat, c’est… gênant.
De retour à l’hôtel, je réalise qu’en fait, Agonda était un paradis. Vous allez me trouver sensible (et je le suis sûrement), mais cette expérience m’a fait changer mes plans. Je ne me sens pas la force de vivre deux semaines de ça tout seul.
Je vais retrouver mes amis plus tôt que prévu.
Lire la partie 2.